Relations ? C'est moi qui dessine...

Relations ? C'est moi qui dessine...

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L'autre

24 May 21

J’ai rendez-vous avec ma fille de 14 ans chez un nouveau pédiatre. Nous sommes tout juste à l’heure. Je la laisse devant le cabinet pendant que je vais garer la voiture, et je lui dis de monter et de patienter dans la salle d’attente en attendant qu’on l’appelle. Cinq minutes plus tard je reçois déjà un message de sa part : “Maman tu viens quand ? Le médecin est super désagréable, elle me dit que ce n’est pas possible que je ne sache pas les derniers vaccins qu’on m’a faits.”
Mince alors, un pédiatre désagréable, c’est quand même étonnant… Je me dépêche et je les rejoins rapidement, ruminant mon irritation : je n’apprécie pas vraiment qu’on maltraite mon enfant.
J’entre dans le cabinet, je prends place à côté de ma fille en panique et enfoncée dans ses épaules, et d’un ton assuré voire imposant j’explique les raisons de notre venue. Voilà que Madame la pédiatre devient une vraie crème.
Je sors de la consultation perplexe et il m’apparaît soudain clairement qu’une relation est déterminée par l’impulsion qu’y met chacun des protagonistes…

Comme on crée sa vie, on est créateur de la relation que l’on établit avec quelqu’un. Parfois malgré soi, et c’est là qu’il est intéressant de prendre du recul et d’analyser le rôle et le personnage qu’on met en jeu dans telle ou telle relation.
Tout se joue dans la façon qu’on a d’entrer dans l’échange, de se positionner vis à vis de l’autre.
La magie de la relation vraie consisterait plutôt à se laisser porter par elle, sans tenter de la conduire, pour la laisser nous entraîner dans ces endroits surprenants de nous-mêmes, à notre découverte. Mais parfois on a besoin d’être efficace… Parfois la peur, le manque de sécurité ou le manque de connexion à soi peut nous amener à inconsciemment diriger cette relation sur un mode insatisfaisant.

La relation qui me définit
Il arrive qu’on se laisse porter dans la relation et qu’on en cède les rennes. Pour plus de facilité, pour ne pas penser, pour ne pas être responsable. Alors on se dénature et on finit par dénaturer la relation.
Le regard de l’autre me définit, comme le démontre Charles Pépin en relatant de manière très touchante la rencontre de Boris Cyrulnik avec Émile son “tuteur de résilience”. Il rencontre Émile qui provoquera un grand changement dans sa vie, car enfin Émile le voit différemment : le regard que lui porte Émile le définit, il n’est plus un rescapé de l’horreur ou un enfant traumatisé mais un jeune homme posé, dans le présent. Il devient alors une autre personne et un autre avenir s’ouvre à lui dans l’univers des possibles.

L’autre qui parle de lui en parlant de moi
Tout comme je me définis dans le regard de l’autre, l’autre s’essaye dans le mien. C’est là qu’il ne faut pas se fourvoyer et recevoir la critique de l’autre pour argent comptant. Ce que dit l’autre de moi n’est en réalité qu’une indication sur lui-même : lorsqu’il m’accuse d’être insuffisant, il ne fait probablement qu’exprimer sa jalousie.
L’autre critique en moi des aspects qui le dérangent lui, montrant ainsi combien il est en fait lui-même ce qu’il réprimande chez moi, ou bien à l’opposé, montrant combien il craint de le devenir. En me condamnant, il refoule un trait de caractère ou une action propre tout en l’exprimant à l’encontre de quelqu’un d’autre, et à voix haute. Il peut ainsi “se l’entendre dire”.
De toutes manières, si je le trouble, c’est chez lui qu’il y a quelque chose à comprendre.

Quand je définis la relation
L’attitude, la démarche, les mots choisis sont autant d’indications sur l’énergie que transmet quelqu’un quand il instaure un lien avec l’autre. Ce sont autant d’éléments qui teintent une relation, souvent à son insu et qui font glisser l’échange dans une voie caractéristique.
C’est l’art de la Programmation Neuro Linguistique qui analyse combien l’expression corporelle et les mots choisis expriment des émotions bien au-delà du langage. L’autre capte inconsciemment ces émotions et va se mettre au diapason. Il va trouver l’attitude correspondante pour que l’union soit harmonique. Il adaptera sont comportement à ce qu’émet son interlocuteur.
Mon attitude (une tête penchée, un air soumis, les épaules vers l’avant, un regard vers le bas, un ton hésitant) va inviter l’autre à prendre une position supérieure. Inversement, si j’assume être brillante et admirée je bomberai le torse, le tiendrai le menton haut, cédant un léger sourire suffisant qui engagera chez l’autre admiration, ou agacement, selon la personnalité que je rencontre.
Dans la série canadienne Orphan Black (Graeme Manson & John Fawcett - 2013) Tatiana Maslany incarne sept personnages différents. Bien que ce soient des clones, donc génétiquement identiques (en l’occurence c’est même la même actrice), elles sont parfois méconnaissables ! L’attitude et les postures investies dans les échanges de chacune, la coupe de cheveux, les accessoires ou accoutrements utilisés les transforment en personnes complètement opposées qui chacune génère des échanges très différents dans ses rencontres.

Piloter mes relations
Je dicte donc le courant de la relation ainsi que sa destinée.
La façon dont je me positionne m’amène à entraîner l’autre sur un chemin qui résonne sur une voie du milieu. Cette voie du milieu est faite d’interactions entre l’un et l’autre et va créer quelque chose d’unique à nous deux : notre relation. Elle s’établit par la somme (ou soustraction !) de ces contributions.
Dans le cadre d’une même connexion avec quelqu’un je peux d’abord me sentir bien et briller, me montrer puissante. L’autre est ébloui et imposé. Si un jour je suis plus serviable/servile je tends à vouloir faire plaisir et me soumettre au désir de l’autre. Je suis en demande, voire dans le besoin. L’attitude de l’autre à moi change.
Dans le cas des « Ces femmes qui aiment trop » Robin Norwood nous montre comment je peux aussi transformer l’amour que l’autre a pour moi. C’est la teneur de nos rapports qui a fait changé mon attitude, qui m’a en quelque sorte dénaturée, ou montré une facette particulière de ma personnalité.
Mais l’inverse est vrai aussi, surtout quand le lien en soi devient plus important que l’autre, ou que soi-même. Quand c’est la relation qui est désirée, plus que la personne qui l’incarne.

Sans pour autant s’imposer d’être conscient et de mener toutes ses relations avec une intention particulière, être attentif et corriger celles qui nous blessent ou nous contrarient en reprenant de notre pouvoir peut être salvateur.
Je peux visualiser la personne que je veux être dans une relation, être attentif à son port de tête, sa stature, sa démarche, son sourire et épouser ces attitudes pour devenir qui je suis et ainsi faire glisser la relation vers ce dont j’ai besoin.


Ils en parlent :

La Rencontre - Charles Pépin
Éloge de l'intimité - Willy Pasini
Orphan Black - John Fawcett - 2013
Ces femmes qui aiment trop - Robin Norwood

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